Mauvais gènes

Chacun de nous est condamné à cette double perpétuité : celle de nos gènes qui dessinent ce que nous sommes, et celle de notre éducation qui achève de fixer les limites de ce que nous pouvons devenir. Non seulement, nous subissons chacun, comme individu, cette double aliénation, mais encore, sommes-nous condamnés à la transmettre, malgré nous, comme une malédiction jetée sur la lignée des Hommes.

Au début, probablement que tout cela partait d’une bonne intention : si frères et soeurs partagent statistiquement la moitié de leur patrimoine génétique, un gène a davantage de chance d’être transmis s’il pousse l’individu qui le possède à se sacrifier pour favoriser la survie de sa fratrie, plutôt qu’à sauver sa propre peau : génétiquement parlant, trois de mes frères valent plus que moi. La famille invente l’altruisme entre individus, en parfaite entente avec l’égoïsme de nos gènes. Sur les bases du sentiment familial, ou tribal, s’échafaudent alors, au fur et à mesure que la famille se développe en tribu, puis en peuple, et en nation, le rejet de l’autre, de l’étranger, celui qui, probabilistiquement, n’a pas les mêmes gènes que nous. Le sens de la famille adopte la forme du nationalisme, de la suprématie raciale. Le reste appartient à l’histoire : guerres, massacres, génocides, holocauste nucléaire…

Mauvais, mauvais gènes…