Sabbat Mater

Un temps brûlée en place de Grève, ou tondue en public, ses cris d’effrois et de douleur assourdis par les huées rageuses d’une foule assoiffée de cendres, la sorcière s’est depuis métamorphosée en victime d’une phallocratie toxique, pour devenir enfin l’égale d’une sainte laïque, qu’on imagine dans une posture sulpicienne, livrée à la vindicte bien pensante, mais habitée par une grandeur qui l’élève au dessus de ses bourreaux. Figure d’émancipation, de résistance, victime de l’opprobre des masses, elle définit en creux la société qui l’a créée : une société où règne la toute puissance du bon goût, la tyrannie du politiquement correct, le totalitarisme de la bien pensance. Une société normative qui n’admet pas qu’on lui renvoie le reflet de sa part primitive, de ses affectations marginales. En somme, en ces termes, elle pourrait représenter le cinéma que nous défendons : infréquentable, marginal et subversif.

Inévitablement, nous devions bien finir par consacrer à la Sorcière une de nos thématiques. Bien sûr, il fallait éviter les clichés, l’exploitation pure et simple de cette figure, qui voudrait reléguer la sorcière à un rôle de victime sadienne, à l’opposé de ce que l’archétype est devenu en cette ère post-féministe. Donc : « La Sorcière comme figure d’émancipation sociale », l’affaire semblait entendue. Pourtant les choses ne furent pas si simple… La plupart des films d’exploitation qui mettent en scène une sorcière ne prennent pas son parti, et même souvent la condamnent, manifestant justement ce que nous souhaitons dénoncer : la posture assurée de celui qui croit « penser juste ». L’ironie voulait que les films dont nous identifions la désapprobation collective qu’ils soulèvent à celle endurée par la figure de la sorcière – toute proportion gardée, bien sûr ; si votre mère ou votre soeur a péri sur le bûcher l’analogie vous semblera même douteuse – était justement ceux-là même qui la stigmatisent. Comme si ces films, pourtant peu soucieux d’approbation morale, ne se gênaient pas pour se défouler sur l’épouvantail social qu’incarne la sorcière, et avec d’autant plus d’acharnement qu’ils sont eux aussi victimes d’une semblable marginalisation.

En poussant plus (trop) loin cette intuition, on peut même être tenté de croire que ce phénomène d’exclusion est inhérent à l’existence même de tout groupe constitué, et qu’il en fonde l’identité. N’importe quel principe collectif, construit sur une identité commune, fut-elle fondée sur une opposition à toute forme de sectarisme, se fédère autour de l’exclusion d’une minorité, la désignation d’un bouc émissaire. En somme, les sorcières seraient un dégât collatéral des pratiques collectives. Nous nous sommes demandés alors si nous n’avions pas un peu engendré une monstrueuse inquisition avec nos « Hallucinations Collectives ». Si vous, ou l’un de vos proches, avez succombé aux flammes d’un bûcher à cause du festival, nous en sommes sincèrement désolés, la chose nous a complètement échappé. Dans l’ensemble, franchement, les sorcières, on est plutôt pour.

The Lords of Salem
28 / 03 / 2018 - 15h00
Baba Yaga
29 / 03 / 2018 - 21h30
Season of the Witch
31 / 03 / 2018 - 21h30
Kissed
01 / 04 / 2018 - 21h30